Lorsque la saison de vol se termine, l’entretien annuel commence et chaque année c’est la même chose, il faut mettre les mains derrière les planches de bord, dans cette fragile nébuleuse de tuyaux et de fils électriques en tous genres : /
Le tableau de bord
Qu’il soit ancien ou ultra moderne, un planeur présente plutôt bien. Je pense que le coté dépouillé y fait pour beaucoup. Rien de compliqué ici puisqu’il n’y a pas de moteur. Cela fait moins de manettes et moins de cadrans.
Le must serait d’ailleurs de ne pas avoir d’instrument du tout.
Oh, on les aimes ces pendules ! Au début on s’y accroche et l’idée de ne pas les avoir fait très peur. Et puis un jour votre instructeur vous fait une crasse. Vous êtes installé à bord pour un vol d’instruction « banal » mais, avant de prendre place derrière vous, ce salopard colle, au double face, un masque sur votre anémomètre et votre altimètre puis vous demande de vous débrouiller pour faire tout le vol. Vous protestez bien sûr, ce qui à pour effet de lui faire ajouter un « Tu les retires pas ! ».
La peur s’installe autour de cette panne simulée mais, grâce à ce vol un peu particulier, vous comprenez enfin que tout ce merdier au dessus de vos genoux ne sert pas à grand chose si ce n’est qu’à confirmer que vous savez voler de la façon la plus naturelle qui soit, à l’œil… assiette, inclinaison et plan d’approche.
Les planches de bord d’hier et d’aujourd’hui.
Il fut une époque où l’électronique n’était pas invasive comme elle l’est aujourd’hui. Ce qui volait était équipé de ce qui était purement utile selon la norme ou pour la mission à effectuer. Pour les planeurs nous avions des instruments pneumatiques reliés aux sondes de pressions. Une ligne pour la pression statique, une ligne pour la pression totale. Avec ces deux tuyaux on peut déjà faire fonctionner un anémomètre, un altimètre et un variomètre. Oui, ok il faut aussi un tuyau entre le vario et sa bouteille.
L’antenne de compensation est venue perfectionner tout ça: un tuyau de plus mais on peut le caser facilement.
Par la suite, la radio est venue s’installer dans les cabines. C’est à ce moment précis que l’électricité s’est invitée dans les planeurs. Il a donc fallu y placer, comme on a pu, une batterie proche du centre de gravité et tirer des câbles jusqu’à la radio puis de la radio vers le micro sans oublier le haut parleur, l’alternat ce petit bouton sur le manche pour émettre un message et bien sûr l’antenne.
Dernièrement, le flarm (système d’alarme pour l’anti-collision) s’est imposé. C’est un boitier qui lui aussi doit être logé quelque part. Pour le faire fonctionner, il lui faut bien sûr de l’électricité mais aussi une antenne GPS et une antenne radio spécifique. Il a un indicateur sur la planche de bord. Pour que ce soit pratique il y a aussi une prise USB a rendre accessible. Tout ce petit monde reçoit des câbles plus ou moins gros, plus ou moins longs et l’on fait de son mieux pour attacher tout ça en faisant des boucles plus ou moins heureuses. Vive le Tyrap, vive le chatterton.
Une installation comme celle-ci est minimale aujourd’hui et vue de l’arrière cela fait déjà un beau fouillis.
Un planeur « moderne » présente, en plus des instruments imposés par la réglementation, un calculateur de vol. Monochrome ou couleur, avec carte et GPS ou pas, ces outils font à peu près tout, excepté le café. Ce sont des aides à la pratique du vol à voile ce qui peut être une force pour les compétitions mais il faut savoir parfaitement s’en servir et, en plus de la navigation aérienne, naviguer dans les menus de ces petits ordinateurs.
Les machines récentes sont bien finies, ainsi on ne voit rien de la structure, rien de la mécanique pourtant si belle. Il y a maintenant des capots et des joints autour de tout ce qui bouge comme le manche. Je dois bien reconnaitre que cela évite que des objets perdus passent sous les sièges et bloquent tout le bazar.
Et cela permet également de cacher la misère : )
Si l’endroit est assez sexy, l’envers du décors est souvent moins glamour car si tous ces jolis équipements hi Tech se nourrissent comme leurs ancêtres des informations de pression, ils demandent par contre en plus de l’électricité. Ramification des tuyaux pour les infos de pression; pas trop compliqué mais ça prends de la place. Pour le courant, il faut donc ajouter des câbles et encore des câbles pour nourrir tout ce petit monde en passant par un fusible et souvent par un interrupteur histoire de pouvoir isoler l’un ou l’autre des instruments.
Distribuer l’électricité, c’est utiliser deux borniers sur lesquels on aura les deux potentiels de la batterie. De là, on repartira sur chaque instrument via l’inter et le fusible. Dit comme ça, ça semble simple et ordonné mais dans les faits, mis à part une installation récente comme sur les photos précédentes, on en est loin et l’on voit quelque fois des horreurs à base de dominos flottants dans les airs et de ficelages au chatterton. Ceci est souvent dû à l’évolution de la planche de bord elle-même. On remplace un vario pneumatique par un électrique mais il est un poil plus gros alors on se lance dans un jeu de chaises musicales, on permute les instruments. Derrière il s’en suit une réorganisation des synapses. Les ficelles sont alors trop longues ou trop courtes et il faut s’adapter tant bien que mal.
Attention, je ne jette pas la pierre, il est trop facile de critiquer. Nous n’avons pas tous le même attrait pour le rangement ainsi que le matériel et les aptitudes d’un professionnel du câblage aéro mais il est possible de trouver un entre deux.
Je dirais même que cela devient une nécessité lorsque l’on achète un planeur et que l’on découvre une installation électrique vétuste et difficile à déchiffrer.
C’est le cas de ce Janus C, un planeur de 30 ans fraichement acquis par un ami.
Si la structure est dans un très bon état, le câblage par contre nécessite un sérieux rafraichissement.
Chance pour lui, comme il est entouré d’amis compétents, ils ont décidés de le mettre à poil (le planeur) et de repartir sur quelque chose de clair et ordonné.
Les deux planches de bord vont recevoir les tubes de pression totale, statique et celui de l’antenne de compensation. En plus de cela il y aura nombre de câbles qu’il faudra identifier et arranger de façon claire. Sur ce planeur, comme bien souvent maintenant, il y a deux batteries qui constituent une double alimentation (batterie principale et batterie de secours. Une bascule permet de passer de l’une à l’autre).
La face visible de la planche avant montre, en plus du transpondeur et de la radio, deux instruments (calculateur sous l’anémomètre et le vario pneumatique) qui ne sont en fait qu’un seul. Le père Noël vient de passer, le matériel est neuf, il n’y a plus qu’à brancher tout ça !
De l’autre coté il y a tout à faire, à commencer par le bornier qui portera les deux phases et à partir desquelles on alimentera les différents organes. Le choix s’est porté sur des borniers à jonction rapide (type Wago) plutôt que des dominos. Le domino n’a aucune réserve élastique lors du serrage du câble. Cela finit toujours par se desserrer et il faut de la place pour le tournevis. Ici, il est facile de connecter, déconnecter et le système de serrage du fil conserve une élasticité qui garantit le contact électrique dans le temps. Ces connecteurs sont fixés sur une plaque qui tient sur le calculateur via des velcros. Pas question de coller ça sur l’instrument lui-même. Il y aura une rangée pour le + batterie (+12Vdc) et une autre pour la masse.
Le toron sera placé dans une gaine tressée, elle-même tenue avec des attaches adhésives sur le calculateur et le transpondeur.
Tout ce petit monde va vers une série de disjoncteurs en bas de la planche.
Pour éviter tout risque de détérioration du faisceau électrique, un carénage est ajouté à l’endroit où les pieds du pilote passent.
Après avoir lâché quelques jurons et jeté quelques outils à l’autre bout de l’atelier, le travail prends forme et l’on peut admirer avec un peu de recul l’ordonnancement de tout ce petit monde.
Avouons que cela est bien plus propre, clair et durable qu’un entrelacs de fils allant comme ils le peuvent de la source à la destination.
Faire quelque chose de propre, cela tient finalement à peu de choses.
D’abord le code couleur simple (rouge et noir), l’identification des conducteurs et le groupement de ceux-ci dans des gaines dont le cheminement est dicté par des points de passage judicieusement placés.
Il faut un peu de temps et de courage mais pourquoi s’en priver ?
Ce travail en valait vraiment la peine. C’est finalement du temps de gagné et des heures de maintenance en bord de piste épargnées pour le futur.
Cette belle réalisation est l’œuvre de Pascal. Merci à lui pour sa réflexion et pour le temps qu’il y a consacré.
Pour la réfection à 90% de l’électrique de ce biplace (les deux planches et ce qui se trouve dans le fuselage), il aura fallu compter entre 200 et 300€ (2023) de matériel (hors instruments) et environs 60 heures de travail.
Conclusion
Vous l’avez compris, l’envers des planches de bord de nos chers aéronefs de loisir, même si ils sont certifiés ne sont pas à l’image de ce que l’on pourrait trouver sur des machines civiles ou militaires.
On n’imagine pas, au regard du peu d’instruments présents à bord, qu’il puisse y avoir autant de câbles dans un planeur.
Gardons surtout à l’esprit qu’une panne électrique sur un planeur ne mettra jamais le vol en péril.
Ce n’est évidement pas le cas pour une installation d’instruments IFR sur un avion et l’on comprend le soin apporté au câblage dans ce cas.
En bon électricien, soyons surtout attentif à l’ampérage, à la protection par fusible.
La seule véritable catastrophe serait, par négligence des règles de base de l’électricité, de mettre le feu au planeur. L’idéal sera alors de toujours placer un fusible de calibre adapté au plus proche des cosses de la batterie et bien sûr de protéger chaque instrument par un disjoncteur. Enfin il faut partout des contacts francs. Une connexion non serrée ou la gaine usée d’un vieux câble qui vient se mettre à la masse peu se transformer en résistance chauffante !
Même tout neuf sortis d’usine il y a peu de chance de trouver une installation à l’image de ce qui existe sur des aéronefs lourds avec de jolis torons de câbles référencés, correctement guidés et bridés sur des supports.
Nous n’iront pas jusqu’à dire que tout cela ressemble tristement au réseau télécoms d’une ville Indienne mais il est possible de trouver un entre deux et la restauration de ce Janus C en est la preuve.
Nous lui souhaitons de longues heures de vol dans la quiétude des belles journées d’été.
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