Pourquoi un avion ou un ULM de tourisme modifié ne peut-il pas devenir un BON remorqueur ?
Pour les mêmes raisons qui font qu’un hydravion est un mauvais avion et un mauvais bateau:
- La mission première d’un tel avion est de voler économiquement à plus de 200 km/h, il ne peut en être de même à 120 km/h (vitesse de remorquage).
- Le faible diamètre des hélices ne permet pas d’avoir un rendement propulsif suffisant en dessous de 120 km/h pour espérer avoir des performances sécurisantes au décollage malgré les « grosses » puissances mises en œuvre.
Afin d’illustrer ces propos, le graphe ci-dessous montre l’évolution des puissances mises en jeu lors du vol en fonction de la vitesse air.
En abscisse nous trouvons la vitesse air et en ordonnée la puissance.
La courbe bleue inférieure (sensiblement en forme de parabole ouverte vers le haut) représente la puissance consommée par le vol de l’avion en palier à différentes vitesses. On voit qu’il existe une vitesse à laquelle la consommation est minimale et que si l’on vole plus vite, du fait des frottements dans l’air plus importants, il y a une consommation plus grande d’énergie.
En diminuant la vitesse par contre, la consommation d’énergie augmente aussi. Ceci est du au fait qu’il faille augmenter l’incidence de l’aile pour tenir en palier au fur et à mesure que la vitesse diminue. Cette consommation d’énergie supplémentaire est du à l’écoulement particulier qui existe autour de l’aile à ces fortes incidences (déviation importante des filets d’air et génération de tourbillons marginaux et en bord de fuite).
Cette courbe est directement liée à la géométrie (surface aile, allongement, état de surface… ) et à la masse de l’avion. Partant d’un avion de tourisme, l’avion remorqueur qui en découle aura la même courbe caractéristique (consommation d’énergie). Notez que pour un avion de tourisme, il sera judicieux de s’arranger pour que le creux de cette courbe soit le plus à droite possible et que la consommation à « haute vitesse » soit la moins forte possible.
La courbe bleue pointillée supérieure (sensiblement en forme de parabole ouverte vers le bas) représente la puissance utile générée par le groupe motopropulseur (GMP) c’est à dire la puissance qu’il reste à la sortie de l’hélice pour faire avancer et monter l’avion.
Cette courbe bleue est typiquement celle d’un avion de tourisme pour lequel on cherche à obtenir une puissance utile élevée à une vitesse importante (croisière) pour vaincre les frottements et de ce fait maximiser cette vitesse.
La puissance utile est celle communiquée au fluide environnant. Elle est le résultat de la puissance à l’arbre moteur (à une vitesse de rotation donnée) multipliée par le rendement de l’hélice (rendement de forme fois le rendement propulsif !!). Il existe à chaque vitesse de vol un état d’équilibre entre la puissance absorbée par l’hélice et la puissance délivrée par le moteur. Il s’en suit une vitesse de rotation résultante de l’ensemble hélice + moteur.
Décaler cette courbe vers la droite (hautes vitesses) s’obtient par augmentation du pas de l’hélice. Ceci va à l’encontre des performances au décollage (faible puissance utile à basse vitesse) qui seront alors médiocres.
La courbe jaune pointillée serait donc la seule véritable adaptation que l’on puisse faire pour se rapprocher du GMP idéal pour la mission de remorquage (120 km/h). En effet, en réduisant le pas de notre hélice de croisière (sans modifier son diamètre = géométrie de l’avion oblige), on décale vers la gauche la vitesse de puissance maximale de notre courbe (puissance utile). C’est simplement ce qui est pratiqué sur les remorqueurs actuels.
Ainsi les performances sont accrues au décollage et l’avion monte mieux à basse vitesse au détriment de la vitesse de croisière maximale.
Notez que sur un avion équipé d’une hélice à pas variable ce changement se fait de façon linéaire. On peut alors ainsi avoir cette puissance maximale à chaque vitesse de vol (Pratique !).
Toutefois, cela n’est pas aussi magique qu’il n’y parait car, à diamètre constant et puissance moteur égale, le rendement propulsif lui va chuter de façon significative avec la réduction de la vitesse. Ainsi, des 180 CV de notre Lycoming O-360 il ne restera qu’environ 50% pour le vol à 120 km/h (pour combattre les frottements et permettre la montée) alors qu’avec l’hélice croisière à 240 km/h 80% de la puissance du moteur restent utiles au vol.
Alors, puisque l’on perd en rendement à basse vitesse et que l’on ne peut pas changer de diamètre d’hélice, augmentons la puissance !
Cette solution aussi fut testée (c’est l’autre adaptation). Passage de 180 à 235 CV… Augmentation des performances oui, un peu mais pas en proportion de l’écart de puissance et de prix à consentir.
Mettre un plus gros moteur c’est d’abord ajouter de la masse et en montée la masse est un paramètre majeur. 55 CV de plus c’est 55 kilogrammes de plus (à la louche) et c’est surtout 55CV de plus à loger dans une hélice qui n’a pas changée (même diamètre). C’est donc surcharger le disque hélice et encore une fois faire baisser le rendement propulsif… Donc sur les +55CV combien récupère t’on ?
Un peu moins de 20 dirais je. Cela vaut il le coup vu l’écart de consommation de 100LL entre les deux moteurs ?
Et sur la vitesse verticale résultante, compte tenu de l’écart de masse ?
… Bien peu certainement.