Vol d’initiation 3 (Magique !) suite et fin

Le vol d’initiation Part 3 (Magique !)

[Suite du deuxième épisode (En piste)]

Vous voilà aux premières loges en place avant dans cette étroite cabine et autour de votre corps une mince paroi vous sépare de cette gigantesque étendue herbeuse.
60 mètres devant vous, l’avion remorqueur, plein gaz couche l’herbe sous son ventre, la corde et maintenant tendue.
Le son du moteur, loin devant, vous parvient très atténué et, mollement, le lourd planeur se met à rouler.
Tranchant ce demi-silence, des bruits nouveaux surgissent dans le corps caverneux du fuselage. Le contact du sabot présent sous la queue, avec le sol imparfait, bat la mesure alors que la vitesse augmente.
En bout d’aile, une personne tient le planeur horizontal et se met à courir pour l’accompagner sur quelques mètres puis le lâche.
Plus personne pour nous maintenir horizontal maintenant le planeur doit se débrouiller seul.
Étonnamment, malgré le peu d’élan, votre pilote, à grand coup de manche dans le gras de vos cuisses, tient maintenant seul ses ailes parallèles au sol.
Esseulé sur cette grande piste, l’attelage prend toujours plus de vitesse, les mouvements sur les commandes s’adoucissent et, sensations étranges, les bruits du roulage diminuent progressivement.
Soudain, plus de bruit !
Une étrange sensation s’offre à vous.
Vous voilà maintenant suspendu à quelques dizaines de centimètres du sol et, dans un calme surréaliste, l’herbe défile à une vitesse impressionnante à portée de votre main, là juste sous le ventre du planeur.
L’avion lui, visiblement incapable de voler, continu de rouler au bout de la corde tendue.
Le planeur s’accroche à ce doux coussin d’air et malgré tous les efforts du pilote redescend doucement jusqu’à retoucher en douceur le sol et entonner pour quelques secondes un nouveau bruit de roulage.
Mais très vite, les ailes reprennent le dessus et voilà ce planeur maintenant plein de vitesse pendu à ce fil invisible qui le maintien à la hauteur de la queue de l’avion.
Déjà deux tiers de la piste avalés par ce prodigieux tandem. L’avion galère mais à force de persévérance parvient à quitter le sol.
Ce coup ci la planète s’éloigne pour de bon.
Sous vos yeux écarquillés défilent les maisons et les piscines avoisinant l’aérodrome. N’étant pas encore bien haut, vous pouvez voir un instant les gens vivre et se déplacer dans leurs jardins, dans les rues. Les voitures à cette hauteur ressemblent aux majorettes de votre enfance. Un coup d’œil à droite, un coup d’œil à gauche… c’est tout simplement magnifique.
L’avion décide du chemin à suivre et pour le moment reste assez proche du terrain.
Les autres planeurs au sol sont maintenant de bien petites croix blanches dans l’herbe et la vieille voiture de piste devenue quasi invisible.
Scrutant de toutes parts, vos yeux ne cessent de manger tous ces détails inhabituels.
Un petit coup d’œil devant, l’avion semble grimper sur une bosse invisible puis redescendre rapidement.
Un instant après, comme si vous receviez un « coup de pied aux fesses », quelque chose d’inattendu pousse sous votre siège puis s’efface brusquement en levant vos entrailles.
Vous n’aviez plus ressenti ce genre de chose depuis votre enfance sur la balançoire du jardin où en plein élan, le mouvement s’arrêtait un instant en apesanteur pour repartir de plus belle dans l’autre sens.

« Ahhh Ahh Ahhh, ça secoue un peu, ça va être bon ! »
Vous ne l’aviez pas entendu depuis un moment celui là, le laissant à son travail de pilote. Hypnotisé par le paysage, vous en aviez même oublié sa présence.
D’une voix sûre, il vous annonce:
« On monte encore un peu, l’avion va certainement nous amener sous les planeurs à droite en bout d’aile ! »

Vous tournez la tête et cherchez longuement du regard mais vous ne voyez rien !
Vous voyant tel un grand Duc, les cervicales en butée encore en train de chercher ces invisibles planeurs, votre pilote vous vient en aide.

« Il faut regarder un peu plus haut, ils sont au dessus du silo agricole, sous le cumulus en bout d’aile mais plus haut que nous donc dans le ciel, ahhh ahhh ».
« Oui, ahh ahh, je les ai vus ! »… Pourquoi je dis « ah ah » comme un débile ?

Et en effet, l’avion s’en approche et à son rythme vous amène juste dessous.
Le remorqueur semble d’un coup monter … puis … le coup de pied aux fesses, l’avion s’incline à gauche, votre pilote en fait autant avec son planeur puis … « Blang !! », un sale bruit de ferraille.
Le câble de remorquage se tortille en suivant cet avion qui s’éloigne maintenant de vous en s’inclinant de plus belle pour finalement … plonger vers le terrain.
Magnifique !!!

Mais au fait !?! On a plus de moteur !!!!
Le mental prend le dessus, un court moment de frayeur vous envahit.
Ça vous fait tout bizarre, c’est sûrement dans la tête … mais ce planeur, dans l’inconscient collectif, on n’a pas envie qu’il soit comme ça tranquillement à l’horizontale sans l’aide d’un engin motorisé.
On l’imagine, comme un avion en papier, tomber, ralentir ou avoir une pente telle que son vol plané soit tristement court… mais il n’en est rien !

Votre planeur semble se mouvoir sans effort. Il ne semble pour l’instant ni monter ni descendre, ni accélérer, ni ralentir !
Votre pilote l’incline plus ou moins et lui fait décrire des cercles mous dans cet immense univers.
« allez y, tenez les commandes avec moi, comme ça en douceur ahahaha ».
Ici, enfermé dans ce fuselage exigu, tout parait paradoxalement immense et surtout tridimensionnel.
Le son qui vous parvient est avant tout surprenant dans ce vieux planeur en bois et toile. l’écoulement de l’air sur le fuselage imparfait se fait un moment constant et calme puis semble s’accélérer comme le ferait les bourrasques d’un vent d’hivers sur une cabane en bois.
En effet, votre hôte vous avait prévenu, le planeur en vol n’est pas silencieux !
Tous vos sens sont en éveil, des surprenantes accélérations vous font plus lourds ou un moment plus léger.
Ce ciel que vous sembliez connaître vous apparaît maintenant comme un volume absolument gigantesque, une sorte d’immensité désertique dans laquelle vous n’êtes rien qu’une singularité ponctuelle quasi invisible.
Ceci représente presque le plus bouleversant dans cette aventure. Un monde volumique et non plus vaguement plat et limité par le sol qui s’étend sous vos pieds.
Ici, l’univers  est  tout autour de vous ! Il vous absorbe et s’impose par sa grandeur.
Incliné sur sa droite, le planeur tourne sans cesse et l’horizon défile. Vous reconnaissez à chaque tour de gros points de repère comme la ville toute proche ou ces grands bassins bleus à perte de vue.
Les autres planeurs sont bientôt presque à la même hauteur. Ils tournent dans le même sens comme le ferait des chevaux de bois dans un carrousel. On se croirait dans un manège, et quel manège ! L’enfant que vous êtes au fond de vous revit devant de telles merveilles. Quoi de plus beau que de voir de si près ce majestueux et silencieux balais aérien.

Certains de ces oiseaux vont un peu plus vite que vous et l’un deux, quinze ou vingt mètres plus haut, passe juste au dessus. D’abord ébloui par le soleil, vous voilà pour un court instant dans l’ombre de ce planeur. Ce point de vue inattendu s’impose dans sa majesté. Vous voilà contemplatif comme le plongeur chanceux sous le ventre d’un cétacé.
Durant ce moment d’éternité vous n’aviez pas vu qu’une force mystérieuse avait lentement mais sûrement élevé votre planeur de quelques centaines de mètres. Vous étiez là, suspendu dans ce ciel immense, absorbé par un spectacle captivant vous faisant oublier tout le reste. Tout en pilotant, le capitaine de ce vaisseau vous avait distrait en vous parlant de tout et de rien.  comme si se promener en papotant au dessus de la campagne était d’une normalité déconcertante.

Votre pilote décide maintenant de partir droit devant au dessus de la ville. Vous rappelant les informations que l’on vous a délivrées au sol vous regardez l’indicateur de vitesse. Celui-ci montre bien 120 km/h et pourtant rien ne semble avancer !
Il faudra de longues minutes pour voir défiler sous vos yeux les premières maisons de banlieue, sorte de maquette parfaite et pourtant surréaliste.
« On va spiraler avec les planeurs qui sont devant hahaha !!! « 
« D’accord Hahaha !! »
De nouveau un coup de pied aux fesses, un…, deux…, trois…, le planeur s’incline pour tourner dans le même sens que les deux autres.
Comme dans le précédent virage. C’est tout bonnement magnifique. devant vous « en patrouille » se trouve, presque à portée de main, un monoplace en plastique.
Imposant, majestueux, il évolue à la même vitesse que vous en jouant de temps à autres avec ses ailerons pour resserrer son virage.
Vous pouvez voir par moment le visage de ce vélivole se tordant les cervicales afin de surveiller votre vénérable monture.
« Ah ah ah, il a fait une petite erreur, c’est là qu’il fallait resserrer ».
Tout en disant cela, votre pilote incline franchement votre planeur et dépasse, tout en passant au dessus, ce monoplace en plastique.
Durant les quelques tours suivants, l’écart se creuse avec ce monoplace.
« C’est une idée où on est bien plus haut que ce planeur »
« ahahah, vous avez remarqué. Vous avez le coup d’œil, vous feriez un bon vélivole…. Les vieux planeurs c’est bien plus pratique pour monter ahaha !!! »
Quelques tours dans cette ascendance vous sépare maintenant de la base de ce magnifique nuage.
« C’est un cumulus, lorsque nous sommes arrivés dans l’ascendance, il n’y avait que des barbulette… c’est comme l’autre là-bas, regardez la forme, il est mince d’un côté et fait une volute de l’autre…
Du côté de la volute, il y a l’ascendance et de l’autre ça descend »
Un coup d’œil sur l’altimètre vous donne 2250m.
Un bout de ligne droite, le bord du cumulus arrive, ça secoue puis vous voilà dans une mer d’huile à la même hauteur que la base des nuages. Le soleil vous réchauffe, cela fait du bien car sous ce gros parasol à plus de 2000 mètres, il fait froid, très froid.
« Vous avez repéré des choses que vous connaissiez ?? ahaha »
C’est vrai que de là, le point de vu est formidable, d’un coup d’œil, vous pouvez confortablement contempler et faire le tour de ville alors que juste en dessous les voitures s’engluent sous cette chaleur insoutenable.
« Puisque vous tenez les commandes, je vais les lâcher, ça me détendra… hahahah. »
« Tirez un peu sur le manche pour remontez un peu le nez du planeur, voilà comme ça… un peu de manche à droite pour revenir à l’horizontal… parfait ! Hahaha… vous vous débrouillez bien ».
C’est bizarre de tenir les commandes tout seul. Tout répond de façon très souple et efficacement.
« Nous avons bientôt fait nos trente minutes de vol à voile, il va falloir redescendre ! ahaha ! »
Les « ahaha » semblent plus joyeux que les précédents…
« Regardez, le terrain est là bas en bout d’aile. Et pour bien faire il faudrait y être dans 10 minutes et nous devons descendre de 2000 mètres !! ahahaha ! »
« Vous m’avez parlé des aérofreins ?!!! »
« Oui mais ça c’est quand les gens sont malades !!!, vous ça va ??? »
« Oui impeccable !! »
« Ça vous plairait qu’on fasse des huit paresseux !!! ahahah »
« Oui, c’est quoi des huit paresseux ??? »
« Ça se passe tout en douceur comme dans un bol, regardez …. »
Votre pilote pousse le manche en avant de façon très franche se qui provoque momentanément le décollement de vos fesses et de vos entrailles. La pente est impressionnante et le bruit de l’air sur le fuselage s’amplifie.
Un moment plus tard, vous êtes écrasé dans le siège car il tire mollement sur le manche et monte le nez du planeur bien au dessus de l’horizon en inclinant le planeur à 90°.
Dans cette position, plus de bruit… tout est magnifique, le ciel, la terre et le planeur lui même dans cette presque apesanteur…. mais cette position, le planeur ne peut la tenir et le nez redescend bien en dessous de l’horizon tandis que votre pilote ramène les ailes à l’horizontale.
La vitesse augmente de nouveau et le bruit aussi.
« ça va ??? »
« Oui, c’est génial !!! »
Ce cycle, votre pilote, pour votre plus grand plaisir va le répéter une vingtaine de fois jusqu’au circuit de piste.
« Voilà nous sommes à l’heure, y a plus qu’à se poser hahaha »
Vous êtes maintenant à 400 mètres du sol et longez la piste d’assez loin finalement.
Votre pilote sort brièvement les aérofrein ce qui génère une brève secousse puis les rentre.
Vous dépassez la piste, un premier virage rend la trajectoire perpendiculaire à celle-ci, les aérofreins s’activent sinon on ne descendrait pas assez. Un dernier virage et vous voilà dans l’axe de la piste.
La pente est assez forte et vu de la place avant, aux premières loges, le sol se rapproche très vite.
Votre pilote casse la trajectoire en la rendant horizontale, vous êtes à une poignée de décimètres du sol dans un silence quasi monastique, le planeur ne veut visiblement pas se poser et l’herbe défile de part et d’autre du fuselage.
Soudain, le chatouillement de quelques brins d’herbe se font entendre sous le ventre entoilé de ce vieux planeur… puis un bruit de tonnerre survient lorsque la roue touche le sol imparfait.
Le planeur  roule maintenant sur son unique roue en gardant l’équilibre grâce à ces ailes, puis la vitesse chute et il s’immobilise mollement en bord de piste son aile droite rebondissant sur l’herbe.
« ça vous a plu ??? ahahaha ».
« C’était génial, superbe… parfait !!!…Merci  » Il n’y a en fait pas de superlatif pour décrire ce que vous venez de voir et de vivre. Vous aviez pourtant bien fait un baptême en avions lorsque vous étiez plus jeune mais c’est une autre approche du vol.
Un vol en finesse, proche des éléments.
Votre hôte sort de son poste de pilotage avec de lents gestes mesurés et vous aide à sortir du planeur.
La voiture de piste arrive et dans un élan de gaieté, vous proposez votre aide pour le ramener au point de départ.
Cette vieille plume, comme disent les anciens, vous ne la regardez plus comme il y a une heure, vous l’admirez et la remerciez intérieurement pour ce qu’elle vous a apportée en cette belle journée d’été.
Les planeurs en plastiques se sera pour une autre fois…une autre fois oui, pourquoi pas… D’ailleurs, si je m’inscrivais ?

Pour marque-pages : Permaliens.

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